VOLGA (PAYS DE LA)

VOLGA (PAYS DE LA)
VOLGA (PAYS DE LA)

Les pays de la Volga sont formés par deux des dix-huit grandes régions économiques qui se partageaient le territoire de l’U.R.S.S: Volga-Viatka et Volga, auxquelles il faut ajouter la Bachkirie. Plus vastes que la France, ces pays, qui occupent 943 300 km2, sont deux fois moins peuplés qu’elle: ils comptaient 28 313 000 habitants au 1er janvier 1986. Leurs activités économiques ont connu depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale une transformation radicale.

Durant des siècles, la Volga, qui reçoit de nombreux affluents donnant accès à des régions lointaines, a fait l’unité de la région. Tout en offrant la meilleure des voies de communication du pays et jouant ainsi un rôle économique si important qu’elle était considérée comme «la mère de la Russie», la Volga était aussi le symbole de la frontière intérieure du pays: à la fin du XIXe siècle encore, le fleuve marquait la véritable limite entre l’Europe et l’Asie, entre l’espace aménagé et les fronts pionniers, entre le domaine des contraintes étatiques et celui de la liberté, les hommes se rassemblant alors à proximité de son cours, de préférence sur la rive droite.

Mais, dès le début du XXe siècle, le ferment du renouveau s’est emparé de la région. Les voies ferrées, aménagées pour servir au peuplement de ce qui fut l’Asie soviétique et qui recoupent le fleuve à angle droit, ont d’abord fait du bassin de ce dernier un trait d’union et non plus une frontière, mutation semblable à celle que connut le Mississippi aux États-Unis après la conquête de l’Ouest. Puis, au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, la mise en exploitation des très riches gisements de pétrole et de gaz naturel contenus dans le sous-sol ainsi que l’entrée en production des centrales hydro-électriques aménagées sur le fleuve ont transformé les pays de la Volga en un réservoir d’énergie industrielle, si bien que les activités productives y ont progressé ces dernières années beaucoup plus vite que partout ailleurs dans l’ex-Union.

Le milieu physique

Les pays de la Volga occupent la partie orientale du bassin géologique de Moscou, leur limite coïncidant à l’est avec l’apparition en surface des roches dures formant le massif de l’Oural.

Le relief

En deçà de cette ligne de contact entre un massif ancien et sa couverture sédimentaire, le socle, qui n’affleure jamais, disparaît sous une couverture sédimentaire d’épaisseur variable. Les étages inférieurs, fort épais et d’âge paléozoïque, sont formés de grès et de calcaires poreux constituant d’excellentes roches-magasins qui retiennent captifs pétrole et gaz naturel. Si le Dévonien et le Carbonifère n’affleurent qu’au contact de l’Oural, le Permien vient au jour dans tout le bassin de la Kama, ainsi que dans la portion de la vallée de la Volga comprise entre Nijni Novgorod (ex-Gorki) et Samara (ex-Kouibychev). Les terrains sédimentaires plus récents, d’âge méso-cénozoïque, ne sont conservés qu’au sud d’une ligne Nijni Novgorod-Samara-Orenbourg (ex-Tchakalov), leur épaisseur augmentant régulièrement vers le sud en direction de la mer Caspienne.

Ce matériel uniformément dur ne se prête pas à la genèse de belles formes structurales, pas plus qu’au dégagement d’une dépression périphérique au contact du massif ancien ouralien. Pourtant, au Cénozoïque, les mouvements du sol ont, en faisant rejouer les fractures du socle profond, donné naissance à des escarpements qui, tel celui qui se dresse au long du cours inférieur de la Volga sur la rive droite, sont bien marqués dans la topographie. En dehors des vallées creusées par la Volga et ses affluents, le relief est d’une grande simplicité: anciennes surfaces d’érosion et lambeaux de surfaces structurales occupent la plus grande partie d’un territoire qui n’a pas été envahi par les glaciers au Quaternaire.

Le climat

Le climat introduit une réelle diversité puisque la Volga traverse, les uns après les autres, les grands domaines biogéographiques boréaux depuis la forêt de conifères au nord jusqu’au semi-désert au sud.

Le cours de la Volga jalonne, en outre, au moins à l’aval de Samara, une frontière climatique séparant les régions relativement bien arrosées de l’ouest et les terres sèches de l’est. La diminution rapide des précipitations en direction de l’est au-delà du fleuve est d’autant plus dommageable pour les plantes que l’évaporation, exacerbée par les vents secs venus, en été, de l’Asie moyenne, prélève, dans une région très ensoleillée, davantage d’eau. Aussi les frontières qui séparent sur le terrain les différentes associations végétales les unes des autres décrivent-elles, en franchissant la Volga, un brusque crochet vers le nord.

Bien que le climat mérite partout le qualificatif de continental, puisque la neige recouvre le sol pendant trois mois au moins, tandis que la température moyenne du mois le plus chaud est supérieure à 20 0C, l’allongement des pays de la Volga en latitude est suffisant pour que la durée de la période végétative, et avec elle la quantité de chaleur reçue du soleil, varie du simple au double entre l’extrême nord et le sud lointain du bassin du fleuve. Alors qu’au nord de Kazan les pluies l’emportent de beaucoup en quantité sur l’évaporation, ce qui engendre un milieu climatique humide, au contraire, le déficit pluviométrique est chronique, en été, au sud de Samara, dans une région à tendance aride où les variations du rendement des cultures exposaient, hier encore, les populations à de terribles famines.

Le fleuve

Aussi est-ce à l’immensité de son bassin (près de 1 400 000 km2) que la Volga, dont la source ne se situe qu’à 223 m d’altitude, doit d’être le mieux alimenté des fleuves de l’Europe soviétique. À Samara, avant même que le fleuve ne pénètre dans la portion la plus sèche de son bassin, le débit moyen, voisin de 8 000 mètres cubes par seconde, bien que cinq fois supérieur à celui du Rhône à l’embouchure, ne représente que l’apport de 6 litres par seconde pour 1 km2 de bassin, ce qui est un module relatif modeste.

Le régime de l’écoulement est régulier en ce sens qu’il se répète égal à lui-même d’une année à l’autre, mais non pondéré puisqu’un écart impressionnant sépare les volumes roulés en période de hautes et de basses eaux. Le passage brutal de la saison froide à la saison chaude propre au climat continental détermine, en libérant l’eau de fonte des neiges, une vigoureuse poussée de l’écoulement dans le fleuve. Le dégel commence d’abord dans le sud du bassin, puis se propage rapidement vers le nord. La montée des eaux, déjà sensible dès la fin du mois d’avril dans le bassin supérieur, n’atteint qu’au début du mois de mai le cours moyen du fleuve. Le niveau des eaux s’élève alors très vite, gagnant 10 m à Samara lorsque le fleuve roule jusqu’à 60 000 mètres cubes par seconde. La décrue commence dès le début du mois de juin, après que s’est écoulée en six semaines la moitié des eaux que le fleuve roule dans l’année. Bien que les précipitations connaissent leur maximum au cours de l’été dans tout le bassin, le débit du fleuve présente alors un minimum secondaire d’écoulement, tant l’évaporation est active. Après une légère remontée du niveau des eaux en automne, lorsque diminuent les prélèvements opérés par l’évaporation, le débit se réduit à nouveau, au fur et à mesure que, l’hiver survenant, le gel se renforce et retient mieux l’eau à la surface du sol sous forme de neige ou de glace. C’est donc vers la fin de l’hiver que l’écoulement est le moins abondant, le débit moyen étant de peu supérieur à 2 000 mètres cubes par seconde à Samara durant les mois de février et de mars.

Le manque de pondération de ce régime nival de plaine mais aussi la durée de l’embâcle hivernale qui varie de quatre à cinq mois chaque année ont longtemps contrarié l’utilisation du fleuve par les hommes, sans que la Volga ait jamais cessé de jouer un rôle décisif dans la mise en valeur des régions qu’elle traverse sur 3 700 km.

L’économie actuelle

Depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, les pays de la Volga sont passés de l’état de région rurale économiquement attardée à celui d’un puissant bassin industriel fournissant de l’énergie, des demi-produits industriels, ainsi que des articles finis tels qu’automobiles et camions, non seulement au reste de l’ex-Union soviétique, mais aussi à l’exportation.

La production d’énergie

L’aménagement hydraulique du bassin de la Volga a joué un rôle décisif dans ce renversement de situation. L’idée d’aménager le fleuve et son principal affluent, la Kama, pour produire de l’électricité, améliorer les conditions naturelles de la navigation et servir à l’irrigation des terres voisines, avancée dès la fin de la période tsariste, reprise dès la mise en œuvre du premier quinquennat soviétique, ne s’est traduite par des réalisations concrètes qu’à la veille de la Seconde Guerre mondiale puis, surtout, au début des années cinquante. Depuis lors, l’essentiel de cette entreprise grandiose a été mené à bien: aujourd’hui, les barrages-réservoirs et les centrales hydrauliques aménagées sur la Volga et la Kama mettent à la disposition du pays une production de 60 milliards de kilowattheures par an pour une puissance installée de 17 millions de kilowatts, dont 2,56 millions de kilowatts pour la centrale de Volgograd.

L’extraction des hydrocarbures contenus dans le sous-sol du bassin de la Volga en un vaste gisement appelé le «Second-Bakou» a accru de manière sensible les disponibilités de la région en énergie industrielle. Bien que la présence de pétrole y ait été reconnue par le géologue I. M. Goubkin dès 1929, ce n’est que durant la Seconde Guerre mondiale que la prospection fut développée sur une grande échelle: le gisement de gaz de Saratov fut délimité en 1942; les gisements de pétrole de Touimazy sur le territoire de la République autonome de Bachkirie furent découverts en 1944, puis ce fut, en 1946, le jaillissement du pétrole en territoire tatar, à Bavly d’abord, et, en 1948, à Romachkino. La mise en production de ces puits s’effectua lentement, si bien que, en dépit de la multiplication des sondages productifs et de la découverte de nombreux autres gisements, le Second-Bakou ne produisait, en 1950, que le quart du pétrole soviétique. Vingt-cinq ans plus tard, ce gisement, crédité des quatre cinquièmes des réserves certaines de pétrole de l’ex-U.R.S.S. et du sixième de ses réserves en gaz naturel, fournissait près de 80 p. 100 de la production nationale de pétrole et le sixième de la production de gaz. Depuis cette date, la découverte de très riches gisements de pétrole et de gaz naturel de Sibérie occidentale a sensiblement abaissé la part revenant au Second-Bakou dans le partage des réserves en hydrocarbures liquides ou gazeux de l’ex-Union et remis en cause la prééminence de ce gisement. Réduite d’un bon tiers, sa production ne fut plus que de 100 millions de tonnes par an et elle déclina en dépit de l’injection de gaz dans le sol et du recours à des explosions atomiques souterraines (avr. 1987) pour stimuler la remontée du pétrole.

Les puits productifs s’échelonnent sur près de 2 000 km du nord au sud, depuis les gisements de la haute Kama, qui furent découverts les premiers, jusqu’à ceux qui sont entrés en production au sud de Volgograd. Mais la plus grande partie de la production provient du Bachkortostan, l’ex-Bachkirie (45 millions de tonnes en 1975, 30 en 1986) et, surtout, du Tatarstan (l’ex-Tatarie) qui, avec 101,9 millions de tonnes en 1970 et 50 millions de tonnes en 1985, se classe au premier rang parmi les districts pétrolifères des pays de la Volga.

Le pétrole extrait du Second-Bakou est d’un prix de revient très sensiblement inférieur à celui du naphte du Premier-Bakou – tout en restant supérieur à celui du pétrole sibérien. Mais, plus proche des marchés de consommation que ce dernier, il fait prime à la consommation et est acheminé par conduite vers les centres européens. Le gaz naturel extrait dans la région de Saratov et d’Astrakhan est, depuis 1946, conduit vers Moscou par gazoduc, bien que les usines de la région productrice en fassent un usage croissant. La production annuelle a atteint 62 milliards de mètres cubes environ en 1990. Équipée par la France, l’usine d’Astrakhan extrait de ce gaz quelque 2 millions de tonnes de soufre.

Industries et moyens de communication

Le pétrole est donc, avec le gaz, le grand responsable de la croissance économique des pays de la Volga: tous deux sont à l’origine du développement de leurs industries, en même temps qu’ils représentent l’essentiel de ce que ce territoire apportait à l’économie de la nation.

Il a fallu, en effet, créer sur place de toutes pièces une industrie d’équipement: cimenteries, usines fabriquant des excavateurs pour répondre aux demandes émanant des chantiers hydrauliques, mais aussi des ateliers livrant du matériel de forage et des pompes pour satisfaire les exigences des chantiers de recherche des hydrocarbures. Puis vinrent les raffineries traitant, outre la production locale, le brut venu de Sibérie occidentale, et qui furent assez puissantes pour faire des pays de la Volga le premier centre de raffinage de pétrole de l’ex-U.R.S.S. Aux côtés de ces raffineries se multiplièrent les usines pétrochimiques produisant caoutchouc synthétique, fibres synthétiques et matières plastiques diverses. Enfin entrèrent en fonction des usines grosses consommatrices d’énergie, parmi lesquelles se rangent des fonderies d’aluminium, des aciéries électriques et des usines élaborant de l’azote synthétique. L’industrie des automobiles a été à l’origine de l’essor de la ville «nouvelle» de Tolyatti (Stavropol), comptant 677 700 habitants en 1993, la fabrication des camions Kamaz ayant entraîné la création de la cité de Naberejnye-Tchelny, qui fut, un temps, rebaptisée Brejnev (519 900 hab.).

Aussi, les liaisons commerciales que la région entretient avec le reste de l’ex-U.R.S.S. se sont-elles considérablement renforcées. L’efficacité de la voie navigable offerte par la Volga et ses affluents a été sensiblement accrue lorsque, en 1952, l’ouverture du canal Volga-Don, aux treize écluses géantes rachetant 88 m de dénivellation sur 101 km, a donné à la batellerie de la Volga l’accès à la mer Noire, longtemps après que d’autres canaux lui eurent ouvert, à l’amont, les portes de la Baltique et de la mer Blanche. Depuis lors, les barrages-réservoirs installés sur le fleuve ont amélioré les conditions mêmes de la navigation sur un cours d’eau dompté, encore que la durée de l’embâcle hivernale se soit accrue sur des eaux moins tumultueuses que par le passé. Aussi, bien que la Volga demeurât la meilleure voie navigable de l’ex-U.R.S.S. et assurât plus de la moitié des transports intérieurs du pays effectués par voie d’eau, les tonnages de grains et de bois transportés sur le fleuve étaient de beaucoup inférieurs à ceux qui empruntaient la voie ferrée.

C’est que les pays de la Volga ont été, avant tout, une zone de transition entre les pôles de croissance de ce qui fut l’Asie soviétique et la région de Moscou qui dirigeait, de loin, leur équipement. Aussi, les voies ferrées principales, dont le Transsibérien, ont-elles servi avant tout au transport vers Moscou et Saint-Pétersbourg du charbon, des grains et de l’acier de Sibérie, tandis que voyageaient dans la direction de l’est les machines et produits fabriqués venus de toute l’ancienne Europe soviétique. Pétrole et gaz naturel, fournissant les tonnages de marchandises les plus importants, empruntaient de moins en moins le train, étant acheminés vers les centres de consommation de la Sibérie méridionale et de l’Europe orientale et centrale par un réseau d’oléoducs et de gazoducs.

L’agriculture

Le développement des activités industrielles et commerciales ne laisse plus à l’agriculture qu’une place secondaire parmi les éléments intervenant dans la formation du produit brut créé dans les pays de la Volga.

Les terres situées en rive droite du fleuve et au sud du parallèle de Samara possèdent les mêmes vertus que celles de l’Ukraine du Nord: sur des sols noirs fertiles, mais à qui il arrive de manquer d’eau en été, les agriculteurs pratiquent des assolements savants faisant alterner dans les champs: blé, maïs, betteraves à sucre, pommes de terre et luzerne. Au fur et à mesure qu’y progresse la révolution fourragère, l’agriculture s’oriente de plus en plus vers l’élevage bovin pour la viande et le lait.

Au-delà du fleuve et au sud du parallèle de Samara, le climat est trop sec pour permettre une telle intensification du système de cultures sans apport d’eau d’irrigation. De vastes sovkhoz ont pratiqué ici, comme au Kazakhstan voisin, la culture extensive du blé dur en respectant les règles du dry-farming, tout en perfectionnant les méthodes de l’agriculture irriguée dès que les grands barrages de retenue sur la Volga ont été en mesure de leur fournir de l’eau en abondance.

C’est, au contraire, contre l’excès d’eau qu’il a fallu lutter sur les terres situées au nord du parallèle de Samara, sur des terroirs ressemblant en tout point à ceux qui caractérisent la zone de la forêt mixte dans toute l’ancienne Europe soviétique. Là, seigle, avoine, pommes de terre voisinent avec le lin, tandis que les progrès de l’élevage des bovins sur prairies naturelles s’efforcent de répondre à l’accroissement des besoins provoqué par l’expansion des activités industrielles et par l’augmentation de la population urbaine.

Géographie de la population

Le développement des activités économiques a entraîné une augmentation rapide de la population des pays de la Volga.

L’essor démographique

La dernière guerre avait porté un coup sensible à la population de ces pays, puisque le recensement de 1959 n’y avait dénombré que 24 227 000 habitants quand il y en avait déjà 24 497 000 en 1939. Depuis lors, la croissance démographique y a été plus rapide que dans le reste de l’ancienne Europe soviétique, résultant, pour une part, de l’excédent des naissances sur les décès, mais aussi d’une vigoureuse immigration qui, en introduisant de nombreux Slaves, a bouleversé la carte ethnique de la région.

Du point de vue ethnique, les pays de la Volga se caractérisent par la présence de nombreuses minorités non slaves dont l’existence témoigne de la succession, sur ces territoires, de plusieurs cultures apportées par des peuples variés et qui se sont épanouies là avant que ne s’installent, tardivement, les Slaves, aujourd’hui les plus nombreux. Les peuples implantés à l’est de la Volga: Tatars, Bachkirs et Tchouvaches, appartiennent au groupe turc de la famille altaïque, tandis que les Kalmouks, installés en rive droite, relèvent du groupe mongol de la même famille. Plus en amont, et sur la même rive, à côté de quelques Tchouvaches, se trouvent les représentants de divers peuples appartenant au groupe finnois de la famille ouralienne: Komis-Permiaks, Mordves, Oudmourtes.

Pris ensemble, les descendants de ces peuples forment moins du cinquième de la population de la région, si bien que les Slaves n’ont eu aucune peine à imposer aux autochtones l’usage de la langue russe, assurant ainsi le triomphe de la civilisation industrielle et urbaine qu’ils ont introduite dans les pays de la Volga. La rapidité avec laquelle a progressé ce processus d’assimilation est telle que la carte ethnique de la région a perdu toute signification géographique.

La population rurale

Si la croissance de la population urbaine joue un rôle décisif dans cette évolution des mentalités en favorisant tous les brassages de population, les ruraux demeurent encore nombreux dans les pays de la Volga, dont ils forment 30 p. 100 de la population. La vallée de la Volga à l’aval de Kazan a longtemps marqué la limite extrême du peuplement slave vers l’est: considérées comme appartenant aux Tatars et aux Bachkirs, les terres situées en rive gauche étaient alors réputées impropres à la colonisation. Mais, depuis que les Slaves ont mis en valeur la Sibérie et le Kazakhstan, sédentarisé les nomades d’Asie moyenne et dompté la Volga, le fleuve a cessé de jouer le rôle de frontière ethnique. Pourtant, même si les Slaves sont nombreux dans les campagnes de la rive gauche du fleuve, les seules régions agricoles connaissant des densités rurales élevées sont celles qui, en rive droite, sont comme le prolongement des terres noires ukrainiennes. Mais ces terroirs fertiles, eux aussi, connaissent l’exode de leur population rurale au fur et à mesure que les pays de la Volga s’industrialisent et s’urbanisent.

Les villes

Les villes rassemblent 70 p. 100 de la population de la région et leur croissance est ici plus rapide que dans le reste de ce qui fut l’Europe soviétique: ainsi les pays de la Volga comptaient sept villes de plus de 700 000 habitants en 1987, dont deux cités millionnaires, quand aucune ville n’atteignait 500 000 habitants en 1939.

Le premier rang, parmi elles, revient à Nijni Novgorod (Gorki de 1932 à 1990), qui compte 1 432 900 habitants en 1993, forteresse et ville de commerce célèbre par ses foires et que des liens étroits unissent de longue date à Moscou. Les industries traditionnelles qui ont grandi auprès du port de la cité: travail du bois et des textiles, industries alimentaires, constructions navales, le cèdent en importance devant les industries chimiques, les constructions mécaniques et l’industrie aéronautique dont les installations se développent surtout dans la ville satellite de Rastyapino (Dzerjinsk).

La population de la ville de Samara (Kouibychev de 1935 à 1990), étape cardinale sur les voies ferrées unissant l’Europe à ce qui fut l’Asie soviétique, est de 1 231 800 habitants en 1993. Proche des gisements les plus productifs du Second-Bakou, mais aussi de la puissante centrale électrique Lénine, la cité accueille de nombreuses et puissantes entreprises d’industrie chimique ou de constructions mécaniques. Des villes satellites ont grandi à proximité de la cité: Togliatti (Stavropol) dont l’usine montée par la F.I.A.T. peut produire six cent mille véhicules automobiles par an, Novosamara (ex-Novokouibychevsk) et Tchapaievsk (Ivachtchenkovo), villes de la chimie, ou Syzran, important centre ferroviaire et cité de la chimie.

Kazan (1 097 700 hab.), la ville des Tatars, a grandi à proximité du coude de la Volga en direction du sud en tant que forteresse d’abord, puis comme capitale d’une région agricole riche. Aujourd’hui la cité est avant tout un centre de fabrication d’engins de levage, d’appareils photographiques, de montres et d’instruments chirurgicaux, et un foyer d’industries chimiques.

L’essor des fabrications industrielles est aussi responsable de la croissance démographique de la ville de Volgograd (1 002 000 hab.), l’ancienne Tsaritzyne, puis, de 1925 à 1961, Stalingrad, qui fut, durant la dernière guerre, l’enjeu d’une bataille décisive pour l’issue du conflit. Reconstruite, la ville, dont les quartiers s’étirent au long du rebord d’un plateau dominant la Volga de 200 m, possède une aciérie et une fonderie d’aluminium qui utilisent l’énergie électrique provenant de la centrale voisine. Les entreprises de constructions mécaniques installées dans la cité y trouvent les demi-produits qu’elles transforment en tracteurs, péniches et outillages divers, tandis que, dans la ville voisine de Voljskiy, sur l’autre rive du fleuve, on raffine le pétrole du Second-Bakou.

Les entreprises industrielles de Saratov, carrefour d’oléoducs et de gazoducs, qui compte 907 000 habitants, s’adonnent avant tout à la chimie organique et minérale, tandis que fabrications textiles et constructions mécaniques prospèrent dans les cités voisines d’Engels (Pokrovsk), Marx (Iekaterineustadt) et Krasnoarmeisk, l’ensemble de ces cités formant une nouvelle agglomération de plus de 1 million d’habitants.

Les pays de la Volga doivent leur promotion économique à l’avènement de l’âge du pétrole dans l’ex-U.R.S.S. et ils sont appelés à devenir, dans un proche avenir, le type même de la région industrielle contemporaine, dont les activités dérivent de l’utilisation des hydrocarbures et de l’électricité hydraulique, au même titre que l’Ukraine du Sud-Est fut, au début du XXe siècle, celui du bassin industriel né de l’exploitation du charbon.

Peu de régions ont, même en Asie soviétique, connu comme les pays de la Volga un passage aussi rapide du stade de dépression économique relative à celui de foyer industriel prospère. Promue en peu de temps de l’état de frontière à celui de pont jeté entre les deux parties constitutives d’un pays en voie d’équipement, cette région géographique en pleine mutation est assurée de connaître un brillant avenir.

Encyclopédie Universelle. 2012.

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